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entreVoir/Dessiner
Frank Froideval, Aurélie Gravelat, Françoise Pacé.

Ce texte ne porte pas une ambition explicative. Il souhaite éveiller le doute et susciter la vigilance critique
afin de provoquer la pensée, non par un déchiffrement limpide du travail, un sens dont je serais le possesseur, mais par un regard à l’œuvre.

Qu'y a-t-il à voir ici ?
De quelle expérience artistique ces trois œuvres témoignent-elles ?
S'agit-il de l'illustration, par l'artiste, d'une sensation ressentie puis saisie d'une figure qu'il nous donnerait par le filtre du dessin ?
S'agit-il de croquis, issus d'une maturation sensorielle allant de la vision au goût
(donc croqués, par le discernement, d'une expérience à sa conceptualisation) ? ...
Ou bien s'agit-il d'une description « optique » nous permettant de documenter et éventuellement de nous remémorer une expérience visuelle
(à la manière des gravures ornant les dictionnaires en complétant leur nomination) ?
Peut-être,
mais ce pourquoi je vous les rassemble ici ne se fonde pas sur ces questions mais sur
une expérience sensible du regard qui met en jeu notre vision; notre perception d'une figure, qu'elle soit un paysage, une fleur, un fruit … par le moyen du dessin.

Entre l'illustration d'un voir - une figure croqué -  et la description « mémoriale », Aurélie, Françoise et Frank nous proposent, par le moyen de l'expérience sensible d'une trace - ligne ou tache - sur un plan - la feuille de papier - des dessins.
La qualité des traits - entremêlés - ici importe ;
la qualité d'un feutre, presque usé et sa mine « plastique »,
la qualité d'un crayon taillé, attaquant la feuille par trait sec et tremblant,
la qualité d'une encre qui coule et se répand plus ou moins selon le dessein, en devenir tant qu'elle est humide, accompagnée et choisie par le trait pour ses qualités formelles ;
où la pression de chaque instant de trait, prend sens par la mise en place d'une perspective, d'une lumière ;
formant non pas l'idée d'une forme - fruit, arbre... - mais un volume et une matière dont nous ne pouvons faire l'expérience d'après nature, notre œil redressant culturellement ce que nous voyons en ce que nous savons que nous voyons;
afin d'y voir non la fascination issue de l'expérience de l'artiste dans le motif mais une expérience sur la feuille d'une lumière et d'un espace;
non pas formant un signe, au-delà de la trace, où reconnaître et apparaître ne sont pas encore dissemblables et où donc nous avons à voir;
un entre - pas encore- non par défaut mais assumé par la matière donnée là.

Il n'y a pas d'au-delà de la page et c'est ce qui déstabilise notre perception, c'est ce qui vient chatouiller fondamentalement notre présence, il y a trop peu de facture, de virtuosité ou d'utopie de veille du grand soir où nous accrocher pour nous rassurer.
Quelques traits et taches en dessin, imposent, par leur cohérence, notre simple et humble présence. Cette cohérence spécifique à chacune des trois œuvres convoque chacune l'acuité de regard de l'artiste qui les a imaginées et en a fait des images : un lieu où notre regard, à présent, voit une présence à l'œuvre dans une forme, non close en elle même, mais nous renvoyant, par l'exigence visible dans cette facture, à notre exigence à voir devant ce que nous regardons.

Étienne Taburet - Juillet 2010.

 


©Françoise Pacé.


©Aurélie Gravelat.


©Vue de l'exposition © Étienne Taburet.


©Vue de l'exposition © Étienne Taburet.

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